Les Corégones …

Corégones du Léman

Introduction

 

Vous cherchez des émotions fortes ? Vous aimez partager de bons moments de convivialité avec vos amis ou votre famille, déguster un poisson sauvage local d’une grande finesse, vous amuser sur un Plan d’eau de presque 600 km2 ? Enfin, vous appréciez les cadeaux de Dame Nature ? Alors, pêchez la féra sur le Léman !

 

De la rivière aux corégones…

De nombreux pêcheurs de corégones sont d’anciens pêcheurs de rivière. Probablement parce que ce poisson se prend à la canne, que sa pêche est fine, que les combats passionnants et qu’une bonne technique de montage des nymphes s’avère efficace.

Mais permettez-moi tout d’abord de présenter mon propre parcours halieutique. Dès mes premiers pas, j’ai accompagné mon père pêcher de petits torrents dans ma région à la longue canne, au toc. À 18 ans, le permis de voiture en poche, je me suis mis au lancer dans des rivières plus importantes et rapidement, c’est la mouche qui a pris le dessus, sans que j’abandonne les autres techniques. L’une de mes activités halieutiques favorites est le montage de mouches, ce qui me rend de grands services pour disposer des modèles les plus efficaces. De plus, il est plaisant de capturer du poisson avec son propre matériel.

Dans les années 90, mes amis de pêche et moi-même avons constaté une forte détérioration de la qualité des rivières vaudoises, ce qui nous a poussés à voyager pour assouvir nos besoins halieutiques et conduits vers d’autres passions locales – la chasse notamment. Je me suis donc rendu en Angleterre, en Écosse, en Irlande, en France, en Autriche, en Suède, en Norvège et en Alaska pour taquiner le poisson, sans savoir qu’à deux pas de chez moi  proliférait une population piscicole abondante composée de gros spécimens combatifs. Car jusque là, aucun corégone ne figurait à mon tableau ! Je considérais en effet la pêche au lac comme une pêche « de vieux ». Eh bien, je suis devenu vieux … En 2005, un ami peu expérimenté m’a proposé de l’accompagner sur le lac Léman pour lui donner un coup de main pour la manipulation du matériel de pêche à la canne et j’ai vite compris que ce grand plan d’eau était un haut lieu halieutique : outre  de très gros brochets à la traîne, au mort manié et aux leurres, de nombreux corégones ont été mis au sec sur ma barque acquise l’an suivant et remplacée par un Quicksilver 680 qui permet de m’entourer de ma famille et de mes amis sans trop de soucis de confort. L’attrait du montage de mouche, l’abondance du poisson et la finesse de la pêche m’ont attiré vers les corégones. J’étais l’un des seuls dans la région de Rolle à le pêcher systématiquement. Pour progresser, j’ai abondamment visité le site « Felchenfischer.ch » dont les conseils sont aussi excellents qu’abondants, même si les conditions et les poissons ne sont pas tout à fait similaires en Suisse allemande. Petit hic … il est en allemand, mais il m’a permis d’acquérir de la technique. N’ayant pas trouvé de site pour la pêche des corégones sur le Léman, j’ai créé ce site. Grâce à cela, j’ai rencontré de véritables passionnés et nous avons pu partager nos expériences.

Comme j’ai beaucoup de plaisir à m’entourer lors de mes sorties, de nombreuses personnes m’ont accompagné et certains sont devenus redoutablement efficaces ! C’est aussi une pêche idéale pour l’initiation des enfants : si la sortie est fertile, ils captureront de nombreux poissons de belle taille pour leur plus grand plaisir, et le mien, bien sûr !

 

 

J’ai pris goût aussi à pêcher la truite à la traîne de surface. Avec un groupe d’amis, nous confectionnons nos propres cuillères. Il m’arrive, plus tard, de pêcher l’omble à la traîne de fond bien que je privilégie sa capture à la nymphe. Les brochets sont tellement gros et abondants qu’il serait dommage de ne pas s’y intéresser.

J’ai organisé une animation « montage de nymphes à corégones et ombles » : les participants peuvent y acquérir les techniques de base afin de réaliser leurs plombiers personnalisés.

Lorsqu’on me dit qu’il faut être patient pour pêcher, cela m’amuse, car je suis très impatient, nerveux, certains diront caractériel … et je ne peux pas franchement les contredire. Ce qui est sûr, c’est qu’il faut un peu de passion pour cette activité et que sur ce point, je ne suis pas en reste !

Pas de patience pour les poissons, mais de la passion.

 

Corégone ou féra ?

Vous allez tous me reprocher de ne pas utiliser l’appellation locale du corégone : la féra.  Permettez- moi cependant de justifier mon choix !

Je tiens en effet à souligner que la féra, la vraie, qui peuplait en abondance notre lac au siècle dernier, a disparu aux alentours de 1920, semble-t-il, par surpêche. On aurait alors repeuplé le lac Léman de corégones de belle taille provenant du lac de Neuchâtel, les palées. Puis des alevinages systématiques réalisés avec des géniteurs du lac Léman ont été opérés pour aboutir à la situation actuelle : on ne sait pas avec exactitude quel(s) est (sont) le(s) corégone(s) qui peuple(nt) notre lac, mais il est certain que ce n’est plus notre féra originelle ! Ne nous apitoyons pas : nous avons un grand nombre de poissons, combatifs, de belle taille et délicieux qui nous attendent !

De nombreux pêcheurs méconnaissent la féra. Certains la classent dans les poissons « blancs » car sa chair est effectivement blanche. Cependant il s’agit bien d’un salmonidé, sa nageoire adipeuse le prouve ; c’est donc incontestablement un poisson « noble ».

 

Un poisson abondant et de belle taille

Comme vous pourrez le lire dans l‘interview de Frédéric Hofmann, Chef de la Section Chasse, Pêche et Surveillance du canton de Vaud, les corégones occupent une place importante dans les espèces piscicoles prélevées par les pêcheurs, professionnels comme amateurs.

Il n’est pas rare de piquer des poissons dépassant les 3 kilos ce qui est vraiment plaisant, même si parfois ces spécimens sont gastronomiquement moins prestigieux (cf recettes ci-dessous). Pour celles et ceux qui souhaitent approfondir leurs connaissances sur le poisson, je leur recommande la lecture du rapport quinquennal de la CIPEL, Rapport sur les études et recherches entreprises dans le bassin lémanique, campagne 2015 (pp.102ss). Le document mentionne une taille moyenne située entre 40 et 45 cm, avec une taille maximale de 57 cm. L’échantillonnage comprend des poissons pêchés au filet au large et ne tient donc pas compte des énormes femelles présentes plus près des côtes et qui, probablement, ne se prennent pas dans les mailles de filets prévus pour de plus petits poissons. Bref, ce que je veux vous dire, c’est que des poissons de plus de 60 cm à la canne ne sont pas du tout exceptionnels !

 

Abondant ? C’est le poisson du Léman le plus abondamment pêché (amateurs et professionnels confondus). Anecdotique dans les années 80, elle a passé à près de 400 tonnes en 2000 pour franchir les 1000 tonnes en 2014. Visitez le site de la faune du canton de Vaud qui publie les résultats de la campagne 2015 : 835’445kg de corégones capturés contre 171’623kg pour la perche ! Qui les pêche le plus ? Pour les professionnels, les Français sont particulièrement efficaces (environ 4 fois plus que les Helvètes). Quant aux amateurs, les Suisses ont pêché 8027kg contre 1404kg pour nos amis français. Vous conviendrez donc que le corégone mérite une attention particulière …

 

 

L’étymologie

Du grec « koré » – la pupille – et « gonia » – l’angle : en effet la pupille de ce poisson forme un angle comme on peut le constater sur l’illustration.

 

La classification : un casse-tête !

La référence en matière de classification des poissons en Europe est un ouvrage de MM Maurice Kottelat et Jörg Freyhof, intitulé « Handbbook of European Freshwater Fishes », 2007, publié chez Publications Kottelat, CP 57, 2952 Cornol, Suisse.

Comme je l’ai mentionné plus haut, le genre corégone est un salmonidé dont il existe des dizaines d’espèces, certains auteurs affirment qu’il y en aurait plus de 70 en Europe et une trentaine en Suisse.

Il est intéressant de souligner les points suivants :

  • La classification des espèces du genre Corégone est un vrai casse-tête : de nombreux scientifiques s’y sont intéressés dans l’histoire et toutes les théories se sont avérées en grande partie erronées.
  • Les corégones sont apparus lors de la fonte des glaciers : ils se sont installés dans les lacs formés par ces derniers et n’ont pas franchi les Alpes. Non migratrice, chaque population est restée enfermée dans son bassin s’y adaptant spécifiquement. Les premiers « mélanges » de corégones ont été effectués par l’homme, dans le but de rentabiliser les stocks, car le genre représente, encore aujourd’hui, un intérêt commercial.
  • Les premières traces écrites de ce poisson remontent au moyen-âge. La nomenclature des corégones est très riche, quelle que soit la langue, ce qui ne simplifie en rien la vision du profane ! En français, citons : féra, palée, bondelle, lavaret, gravenche, bezoule, férit et j’en passe. J’ai trouvé des dénominations plus nombreuses en allemand, car la région germanique a plus de lacs d’une part et plus de dialectes d’autre part: Pfärrit, Winter Brienzlig, Herbst Brienzling, Kröpfer, Albock, Edelfisch, Balchen, Albelli, Grundler, Blaalig, Hägling, Sandfelchen, Bodensee Kilch, Gangfisch, Blaufelchen, Reinanke, Kröpfling, Ammersee Kilch, Riedling, Schwebrenke, Renke, etc.
  • Pour simplifier encore (!), notons que deux espèces différentes du même genre peuvent vivre ensemble (sympatrie) et qu’au contraire, une espèce peut présenter des populations se comportant et se nourrissant de manière différente et ayant une morphologie différente (une population de C. Lavaretus se nourrissant de benthos et l’autre de zooplancton) …

 

Je cite Daniel Masson de son ouvrage « Les Poissons du Léman » (p. 120) : « (les corégones) peuvent en outre s’hybrider entre des groupes possédant des caractères différents et donner en première génération des une multitude de caractères intermédiaires. Il existe ainsi une quantité énorme de variétés dont le rattachement à un groupe est difficile ».

Que doit retenir le pêcheur de corégones du lac Léman ?

Tout d’abord, il ne pêche pas des féras (C.  Fera), mais  vraisemblablement des Palées, (C. Paleae), qui à mon avis, se regroupent en populations adoptant des comportements différents : les mâles se tiennent à une profondeur supérieure et se nourrissent de zooplancton à l’opposé des femelles, plus benthophages et plus proches des rives. Mais je ne suis pas Dr en Biologie !

 

Mais de quoi se nourrissent-ils ?

Selon une étude de la CIPEL menée par Daniel Gerdeaux et parue en 2004, dans les grandes lignes, les corégones se nourrissent essentiellement de zooplancton et accessoirement de chironomes.

Le zooplancton est constitué d’animalcules minuscules évoluant massivement dans une strate déterminée du lac, comme les Bythotrèphes (corps de l’ordre du mm).

Ces animalcules se concentrent dans une strate propice à leur développement, souvent à une vingtaine de mètres de fond au large des rives. On perçoit souvent au sonar des corégones à 22m de fond, en banc, là où le lac est beaucoup plus profond. Les corégones se nourrissent de zooplancton.

Dans l’estomac des poissons, les concentrés de zooplancton ressemblent à une purée beige parsemée de petits points noirs (comme des grains de vanille), les yeux.

 

Les chironomes (corps de l’ordre du cm) sont des insectes dont les larves se développent sur le fond du lac, de quelques mètres à 30m, dans de la « vase ». Il s’agit en fait de ces petits insectes ressemblant à des moustiques et qui pullulent lorsque les jours se font plus chauds. Les larves sont communément appelées « vers de vase ». Ils ressemblent à un tout petit ver de fumier de 1 à 1,5 cm, que les corégones vont chercher au fond du lac, probablement en remuant la boue pour les en extraire. La larve se transforme en nymphe qui va remonter à la surface pour éclore et s’envoler, ce que l’on peut observer lors de éclosions : les adultes ne prennent en effet pas immédiatement leur envol. Les transformations étant dictées par le nombre de degrés-jour, les étapes comprennent une très grande masse d’insectes au développement identique. Le défi consiste à imiter l’insecte à son stade d’évolution, à la bonne profondeur, avec la bonne animation. Ainsi une larve – le « ver de vase » – sera présentée très proche du fond et de manière statique ; les nymphes doivent évoluer plus haut avec des mouvements de bas en haut et de « tortillage » et ce, en fonction de vos observations.

 

On distingue parfaitement la consommation de chironomes dans l’estomac d’un poisson au point de reconnaître le stade d’avancement de l’insecte : larve, nymphe, ou émergente, ce qui fournit de précieuses informations quant à la stratégie à adopter. Il est donc très utile d’analyser le contenu de l’estomac du premier poisson mis au sec.

Comme vous le comprendrez aisément, il est impossible d’imiter le zooplancton dont la taille est trop petite. On ne peut se contenter d’imiter que les chironomes sous leurs différentes formes et comme je le mentionnais ci-dessus, les corégones se nourrissent accessoirement de chironomes, malheureusement ! Bien souvent, les amateurs prennent sur le « mont » (rupture de niveau situé entre 15 et 25m de fond à quelques centaines de mètres du rivage) des corégones lorsqu’ils se nourrissent de chironomes alors que les professionnels prennent des corégones se nourrissant de zooplancton, au large, entre deux eaux. Les périodes fastes pour les uns ne le sont généralement pas pour les autres, le poisson étant très systématique. Ainsi, lorsqu’il est « à table » sur du zooplancton, vous le détecterez au sonar, mais il ne daignera que rarement prendre l’une de vos imitations de chironome. Par contre lorsqu’il se nourrit de ce dernier, vos pêches pourront s’avérer exceptionnelles, à condition de choisir le bon modèle et la bonne animation.

 

Où pêcher les corégones ?

On pêche le corégone en Suisse romande dans les Lacs de Neuchâtel, de Morat, de Bienne, de Joux et de Brenet. Il convient de mentionner, en France voisine, le Lac d’Annecy, de Remoray, de St-Point et des Rousses. Je me contenterai de ne parler que du Léman, car mon expérience dans les autres lacs est trop faible.

Dans les grandes lignes, il faut prospecter les abords du « mont ». On retrouve cette configuration dans tout le Petit Lac, le long de la rive suisse de Gland à Pully, quelques spots au Bouveret et entre Evian et Ivoire.

 

 

 

Mes spots préférés sont les alentours de la Promenthouse, l’embouchure de la Dullive, le large de l’île de la Harpe à Rolle, l’embouchure de la Chambronne au large de Dorigny. Mais à vrai dire, il peut y avoir des féras un peu partout.

Il est indispensable de pêcher les corégones à bord d’une embarcation, car ces poissons se nourrissent généralement à environ 20 mètres de fond. Une simple barque convient parfaitement ; j’observe régulièrement des pêcheurs efficaces en canoë ou en float-tube. La technique de prospection la plus simple consiste à repérer où d’autres pêcheurs sont postés : cela vous indiquera non seulement que la zone est potentiellement intéressante, mais vous aurez aussi l’indication de la profondeur du fond à laquelle il convient de s’ancrer. L’ancrage est indispensable afin que vos « plombiers », les gambes à féras, ne soient pas artificiellement déplacées par le déplacement du bateau. N’allez pas trop près de votre voisin : l’intimité de ce dernier pourrait être affectée, mais vous pourriez aussi créer une situation inconfortable : lors d’un combat avec une belle prise, il est fort désagréable de perdre son poisson dans l’ancrage du voisin. Or un corégone de deux kilos peut facilement vous vider votre moulinet en quelques secondes et s’éloigner de 150 mètres de votre position.

Si vous désirez rechercher votre poste indépendamment des autres, il faut disposer d’un sonar efficace. Si ce dernier vous permet d’indiquer la présence de poissons, recherchez les postes où des bancs de poissons de taille relativement importante sont signalés, plutôt à proximité du fond. En début de saison, les corégones se nourrissent à ras du fond et sont d’autant plus difficiles à détecter. Plus tard dans la saison, les poissons se trouvent à quelques mètres du fond, mais toujours en bancs.

Sans qu’il ne s’agisse d’une règle absolue, les profondeurs à prospecter sont de 40m. en janvier, 30m en février, 25m en mars. En avril, de gros poissons se nourrissent à moins de 20m (parfois moins de 10m. !) puis il faut reprendre le large dans les mois qui suivent : 20m en mai, 25m en juin, juillet, août et 30m en septembre. Il faut cependant toujours penser que les corégones sont des poissons surprenants et sonder de temps à autre en dehors des indications mentionnées ci-dessus !

 

Quand pêcher les corégones ?

Si vous lisez cette revue, c’est que vous aimez la nature et que vous savez qu’elle n’est pas forcément régulière d’une année à l’autre. On peut cependant affirmer qu’il est tout à fait possible de pêcher des corégones dès l’ouverture, en janvier, et que, dès février, on peut s’attendre à quelques beaux tableaux. Ne manquez sous aucun prétexte mars et avril. En septembre se produisent de grosses éclosions de chironomes : j’y ai réalisé des captures spectaculaires. Durant les autres périodes, je sonde, lorsque je rentre du brochet, de l’ombre ou de la truite, les postes potentiels afin de déterminer d’éventuelles opportunités, avec de belles surprises à la clef !

Faut-il se lever très tôt le matin ? Je n’ai personnellement que rarement « cartonné » le matin tôt, préférant attaquer les carnassiers. Je dirais que le meilleur moment de la journée se situe lorsque la lumière est maximale, probablement parce que l’activité des nymphes y est liée. Ainsi, dès le coucher du soleil, les touches deviennent rares.

Quant au temps, il est préférable d’éviter un lac trop agité, essentiellement pour des questions de confort : les vagues rendent l’animation des leurres fastidieuses, les rafales de vent déplacent constamment les cannes en présentation statique.

 

Comment s’équiper ?

La canne :

Si vous désirez tenter la féra sans acheter de matériel spécifique, vous pouvez utiliser un lancer léger. À la longue, je vous conseille néanmoins de vous munir de deux ou trois cannes conçues pour cette pêche. La canne à corégones dispose d’un scion très fin pour marquer la touche discrète et délicate. La pointe est généralement de couleur fluo. La taille varie de moins de 1 mètre lorsque l’on pêche canne en main à 3 mètres pour permettre de lancer de longs plombiers. Inutile de dépenser pour des modèles très techniques, l’entrée de gamme fait parfaitement l’affaire, surtout lorsque votre invité aura mis le pied dessus …

Le moulinet

Le moulinet, à tambour fixe, doit pouvoir contenir un fil de 0.25 de 150m. Les moulinets spécifiques développés en Suisse allemande sont conçus pour des corégones beaucoup plus discrets et ne sont pas recommandés pour le Léman, les plombages étant plus imposants.

Pour le fil, si vous voulez être plus technique, je vous conseille en lieu et place du monofilament une soie échelonnée tous les 5 m de 50 m avec un backing de 100m. Ainsi, vous pourrez connaître votre profondeur de présentation lorsque les poissons sont actifs entre deux eaux.

Le plombier

Vous trouverez de bons plombiers chez votre halieutiste. Cependant, la réaction du corégone étant si ordonnée et systématique, je vous conseille de monter vos nymphes et plombiers vous-mêmes afin de pouvoir faire face à toutes les situations.

Le plombier est constitué d’au maximum 6 nymphes (Léman), 5 (Lac de Joux).

L’hameçon de la nymphe est de type Kamasan B 100, taille 14, bronzé ou doré.

Les couleurs classiques sont noir à tête rouge, rouge à tête noire, tout rouge, tout noir, cerclage doré en option. N’hésitez cependant pas à tester le bleu, le violet et l’olive qui sont parfois très efficaces.

Le fil du plombier ne doit être ni trop rigide, ni trop souple. J’utilise du 0.18 ou 0.20 enrobé de fluorocarbone. L’important est que la potence permette à la nymphe d’évoluer le plus librement, mais sans se prendre sur la ligne axiale. La potence mesure de 3 à 4 cm. Il est conseillé de frapper l’hameçon d’une boucle plutôt que d’un nœud à étranglement afin de permettre une animation maximale.

Je place un premier émerillon à l’amont du plombier pour sa fixation à la canne et un deuxième en bas, ce qui me permet de choisir le poids du plomb : 30gr pour les pêches au poser, 10 à 20gr pour les pêches canne à la main. Voici quelques schémas de montages classiques pour un bon départ :

 

 

Et voici un schéma de montage d’un plombier pour ceux qui souhaitent fabriquer leurs propres leurres (pour le montage des nymphes, choisissez un bon pédagogue !) :

 

 

Mon ami Besson m’a autorisé, dans mes présentations et mes cours de montage, à dévoiler son nœud magique que j’appelle de son nom. Il figure ci-dessous, le premier pour les potences et le deuxième pour la boucle de la nymphe (dont on règle le diamètre à l’aide d’une aiguille ou de la pointe de l’hameçon à fixer ) :

 

Quant au nœud Clinch, tout bon pêcheur le connaît ! :

 

Voici quelques exemples de nymphes qui se trouvent impérativement à bord lors de mes sorties :

Photos nymphes

Pour stocker vos plombiers, qu’ils soient « maison » ou du commerce, il est commode de les enrouler sur de la gaine d’isolation (grise) de tuyaux de chauffage que l’on trouve pour une somme modique en grande surface. Les émerillons et les hameçons sont piqués dans la mousse : vos plombiers sont ainsi rangés de manière pratique. Mes tubes prennent place dans une caisse en aluminium afin d’en faciliter le transport.

Enfin je vous recommande d’acquérir une petite collection de plombs « gouttes » de 10 à 30gr que vous fixerez à l’émerillon inférieur du plombier juste avant son utilisation.

 

Le mouillage

Une fois que le poste est déterminé, on procède au mouillage. Plus l’évitage (longueur de la ligne d’ancre) est important, moins l’ancre se déplacera. Un évitage important a le désavantage de permettre à l’embarcation de se déplacer latéralement ce qui perturbe la stabilité des plombiers. À vous donc de décider ! Si la ligne d’ancre est frappée non pas à la proue de l’embarcation, mais légèrement sur le côté, la barque sera mieux stabilisée.

 

 

Par ailleurs, il est fortement recommandé de frapper une bouée au mouillage afin d’éviter que les corégones ne se prennent dans la ligne d’ancrage lors du combat. La partie pêchée sous le bateau est plus dégagée.

 

 

Présentation des leurres

Le mouillage effectué, vous pouvez présenter vos plombiers, de part et d’autre du bateau. Deux cannes sont au poser, la dernière animée : de très lents mouvements verticaux d’une amplitude de 10 à 50 cm, intercalés de pauses. Pour les cannes au poser, il faut éviter que les plombiers ne soient trop animés par le mouvement du bateau provoqué par les vagues. Si les cannes sont perpendiculaires à l’axe longitudinal du bateau, ce sera le cas. Si elles sont disposées parallèlement à cet axe, le mouvement sera moindre. J’ai personnellement « bricolé » un système d’équilibrage permettant à la canne d’éviter d’imprimer les mouvements latéraux et horizontaux de l’embarcation :

 

 

Ferrage

La règle est « ferrer au moindre doute » : en effet, la touche est la plupart du temps très délicate. Souvent, on a juste l’impression de ne plus sentir le plomb, car le corégone monte après avoir gobé la nymphe. Il faut alors rapidement tendre le fil avant ferrer. En effet, si le corégone a saisi la nymphe en remontant d’un mètre, un ferrage sans pré-tension ne sera pas efficace. Parfois, on a l’impression de percevoir une pulsation cardiaque dans le manche de la canne. Il arrive enfin que l’on ne sente rien, mais on peut observer un léger ploiement du scion. Dans tous les cas, il faut ferrer !

 

Des combats plutôt singuliers !

Les corégones réservent de grandes surprises. Bien souvent, il ne se passe pas grand-chose après le ferrage : on sent une simple résistance. Plus surprenant, le poisson monte en même temps que l’on mouline. Arrivé à dix ou douze mètres, le poisson se retourne et descend en force. C’est généralement là que le débutant, croyant avoir piqué un petit spécimen, se fait surprendre et perd un beau poisson. Il va de soi que le frein doit être parfaitement réglé. Je vous conseille cependant de ne pas trop vous y fier et d’éviter absolument de brider le poisson. Une bonne méthode consiste à débloquer l’antiretour après le ferrage, de travailler le poisson en lui laissant reprendre du fil en « démoulinant ». Un corégone se décroche sans force, car la mandibule inférieure de sa mâchoire se détache très facilement de sa tête libérant un hameçon pris sur le côté. Il faut donc être très patient. Lorsque la féra arrive en surface et près du bateau, elle est effrayée et va replonger jusqu’au fond, et ce, souvent à plusieurs reprises. Vous la bridez … vous la perdez ! Avec mes amis, nous avons constaté qu’il faut éviter de faire du bruit lorsque la féra est en vue, car cela la pousse à replonger.

Il est fréquent de voir une féra de 2 – 3 kilos partir comme un sous-marin au large après l’avoir ferrée. Plus vous tenterez de la retenir, plus elle s’y opposera. Il n’est pas rare qu’elle vous vide en quelques minutes votre moulinet … À vous de décider si vous allez la brider ou si vous attendez la rupture en fin de backing. Il y a des solutions insolites, mais je ne veux pas non plus tout vous dévoiler …

Il arrive parfois qu’en taquinant Sieur Corégone, une truite s’invite à le fête !

 

 

Législation

 

Les lignes qui suivent ne concernent que la législation vaudoise relative à la pêche de loisir sur le Lac Léman.

Vous souhaitez tenter l’expérience ? Prenez un permis journalier sur le site de la Faune du canton de Vaud, imprimez-le et c’est parti pour CHF 10.- par jour (5 pour les moins de 18 ans).

C’est décidé, vous vous lancez : il vous faut acquérir un permis annuel. Vous devez disposer d’une attestation de compétence délivrée par le réseau de formation des pêcheurs puis acquérir le permis « gambe » (CHF 70.- pour les domiciliés VD, 105.- pour les autres). Le permis « traîne » comprend la pêche à la gambe.

Vous pouvez pêcher avec trois cannes munies de 18 hameçons en tout au maximum.

Les enfants de moins de 14 ans accompagnés d’un titulaire de permis peuvent pêcher aux mêmes conditions que ce dernier.

Vous avez droit à 10 corégones par jour et 250 par an, la taille minimale de capture est de 30cm, la période de protection est du 17 octobre 2016 au 14 janvier 2017. Il va de soi que tout poisson capturé doit l’être en respectant l’Ordonnance fédérale sur la Protection des Animaux (assommer le poisson et immédiatement lui sectionner les branchies et/ou l’éviscérer).

 

Recettes

La chair des corégones est particulièrement fine, mais ne supporte absolument pas la surcuisson. C’est malheureusement souvent le cas au restaurant ; trop cuit, un corégone perd sa saveur de cucurbitacée si particulière et sa texture devient farineuse.

Très important : lorsque vous pêchez un corégone, il convient de l’éviscérer immédiatement et de le conserver au frais, dans une glacière.

Dix minutes au soleil au mois de juin suffisent pour torpiller sa chair délicate. Il va de soi qu’il est proscrit de laisser suffoquer un corégone dans une bourriche en surface et dans une eau à plus de vingt degrés : c’est contraire à l’éthique, aux règles gastronomiques et c’est illégal.

Il convient de relever que les gros spécimens (dès 1.8kg) peuvent avoir un goût de vase. Cela s’observe dès la capture : les poissons aux reflets bleutés-rosés sont hautement comestibles, ceux dont les écailles sont grisâtres tirant sur le brun-jaune risquent d’être moins savoureux et je vous conseille de les préparer en rillettes selon la recette ci-dessous.

 

(photo : SC/FH)

Autre considération : la chair des poissons ayant séjourné une nuit au froid est plus ferme et plus savoureuse qu’un poisson fraichement prélevé.

Je privilégie 4 préparations, sans ordre de prédilection :

La papillote, le tartare, le filet grillé et la fumication, à chaud ou à froid

Papillote

Beurrer une grande feuille d’aluminium. Saler, poivrer, éventuellement épicer (aneth) l’intérieur et l’extérieur du poisson entier et non écaillé. Adjoindre quelques cubes de beurre. Emballer le poisson dans l’aluminium, ajouter un décilitre de vin blanc par kilo avant de fermer soigneusement la papillote. Enfourner à 200 degrés, 20 minutes pour un poisson de 1 à 1.5 kg. Retirer du four et réserver 10 minutes, papillote fermée. Servir sur une assiette chaude, napper du liquide de cuisson, ajouter de la fleur de sel à volonté. Pour une cuisson idéale, le poisson devrait être cuit « rouge à l’arête ».

Tartare

Lever le filet d’un corégone d’un kilo non écaillé. Retirer la peau. Le mettre sous vide et le congeler 48 au minimum afin de réduire le risque de transmission de parasites. Décongeler le filet. Lorsqu’il est encore à peine congelé, le trancher en cubes fins au couteau et le disposer dans un cul de poule préalablement congelé. Ciseler finement 2 échalotes, 4 petits cornichons au vinaigre, 6 demi-tomates séchées sous huile, quelques tiges de ciboulette et les incorporer au poisson. Ajouter une vinaigrette composée d’une huile neutre, d’un vinaigre parfumé, de sel et de poivre. Réserver au réfrigérateur, au moins une demi-heure. Toaster de belles tranches de baguette, beurrer et déguster avec le tartare. Difficulté : estimer le bon temps de cuisson. Difficulté : aucune

Filets grillés

Prélever les filets d’un corégone écaillé. Trancher les filets en deux ou en trois. Dans une casserole, faites revenir les parures du poisson et ajoutez une mirepoix, une échalote grossièrement ciselée et deux décilitres de vin blanc sec. Saler, poivrer, épicer. Laisser réduire de trois quarts puis filtrer. Monter au beurre et/ou à la crème avant le service. Griller les filets dans de l’huile d’olive côté peau. Servir le filet en le tournant côté intérieur sur une assiette très chaude. Nappez de sauce et saupoudrez de ciboulette ciselée. Difficulté : aucune

Fumication

Le corégone fumé à froid (de 6 à 12 heures à 30 degrés) ou à chaud (2 heures à 80 degrés) est un régal. Bien que pouvant paraître similaires, les deux recettes produisent un résultat différent. À chaud, le poisson est cuit, à froid, il ressemble à un carpaccio. Le poisson, entier ou en filet, non écaillé, doit être préalablement saumuré (sel, sucre) durant 12 heures puis épongé. Chaque fumoir étant différent, il convient de se référer au mode d’emploi de ce dernier. Difficulté : maîtriser la spécificité technique du fumoir.

Il va de soi que toutes les recettes de terrine ou de rillette s’accommodent parfaitement des corégones.

Rillettes de corégones

Disposez un gros corégone dans une casserole, éviscéré mais non écaillé, dans un court bouillon (1l d’eau froide, ½ bte de chasselas, sel, poivre, ½ jus de citron, un petit oignon, 1 feuille de laurier, 1 brin de romarin)

Lorsque le court bouillon cuit, à feu doux, comptez ½ h puis stoppez la cuisson.

Laissez tiédir le poisson puis prélevez sa chair en ôtant la peau, les arrêtes, la graisse du dos, la chair brune sur la queue et disposez là dans un saladier.

Pesez la chair et ajoutez la moitié du poids en beurre ramolli.

Ajoutez un trait de cognac, du poivre rose écrasé, de l’aneth, de la ciboulette et 10g de sel et ½ jus de citron par kilo de masse.

Écrasez à la fourchette ou encore mieux, passez l’appareil au pétrin jusqu’à obtention d’une mousse relativement homogène.

Remplissez des barquettes de cet appareil et laissez-le au réfrigérateur au moins 12h.

Préparez des toasts et dégustez vos rillettes, en entrée ou à l’apéritif.

 

En guise de conclusion…

 

Par ces quelques lignes, j’espère vous avoir motivés à tenter l’expérience des corégones sur le Léman. Dame Nature fait preuve d’une grande générosité pour ce poisson ; elle est relayée par la Conservation de la Faune qui accorde du soin et de l’attention pour sa prolifération : je tiens par ailleurs à remercier toute l’équipe de St-Sulpice.

J’ai passé des moments conviviaux inoubliables sur le Lac dans la quête de la féra et ne puis que vous souhaiter de passer des moments semblables. Alors bientôt sur le Lac ?

(photo : FH)

 

Sources

 

Bibliographie

J.-C. Druart & G. Balvay,  « Le Lac d’Annecy et son plancton », Editions Quae, 2009

  1. Masson, « Les Poissons du Léman », 1989, Editions Slatkine, Genève
  2. Kottelat & J. Freyhof, « Handbbook of European Freshwater Fishes », 2007, Publications Kottelat, Cornol, Suisse.

 

Webographie

http://coregone.e-monsite.com

http://felchenfischer.ch

http://www.cipel.org/wp-content/uploads/2016/10/RapportScientifique_camp_2015_VF.pdf

http://www.invadingspecies.com/invaders/invertebrates/spiny-and-fishhook-waterflea/, fact sheet

http://lespetitscurieuxsvt.blogspot.ch/2011/10/les-chromosomes-geants.html

http://www.eu.purefishing.com/blogs/fr/sylvain-legendre/2012/03/11/coregone-quatrieme/

http://www.pilhavre.fr/wp-content/uploads/2014/10/Les_apparaux_de_mouillage.pdf

http://www.vd.ch/fileadmin/user_upload/themes/environnement/faune_nature/fichiers_pdf/peche/Leman_analyse_2015_new_doc_20170210.pdf

http://www.formation-pecheurs.ch

 

Crédits photographiques

Sébastien Sachot

Pierre-Alain Schneiter

Fabrice Haldemann

 

Illustrations

Fabrice Haldemann

 

Cet article a 2 commentaires

  1. Axel

    Bonjour !

    Merci infiniment pour cette page riche en information, je pense que je l’ai déjà lui plusieurs dizaine de fois :).

    Pêcheur depuis mon enfance, je me suis lancé le défit de pêcher la corégone cette année, profitant du bateau que j’ai à disposition. Malheureusement, malgré toute ma détermination je n’ai pas eu de réussite cette année, même pas la moindre petite touche.

    Je me permets donc de profiter de ta connaissance du milieu pour te poser quelque questions.

    – As-tu fais de belles prises cette année ?

    – Tu parle de la zone qui va de Gland à Pully pour les trouver, personnellement je suis dans la région de Pully, aurais tu des coins plus propices à recommander ?

    – Si je veux encore espérer en pêcher cette année, quelle sera la meilleure période et vers quelle profondeur je devrais les trouver ?

    Merci infiniment pour le temps que tu me consacres et encore félicitation pour ton travail de rédaction.

    Bonne continuation et surtout, BONNE PÊCHE

    Axel

    1. coregone

      Hello Axel,
      Mieux vaut tard que jamais : j’ai eu tellement de courriers indésirables que je n’ai pas vu le tien …
      Cette année on a pris de beaux poissons à 9-12m en avril. Il nous semble que les cogérons soient en ce moment dans du zooplancton au large suspendus dans 22m. Par contre, il y a un coup à jouer sur les ombles à 40m, par temps calme, sans s’ancrer. nymphe avec perle rouge ou noire en tête.
      Amitiés halieutiques,
      Fabrice

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